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H. WALLON

SECRÉTAIRE PERPÉTUEL OE l'aCADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET SELLES- LETTRES

ÉDITION ILLUSTRÉE

d'après

les ([Monuments de l'cArt depuis le quin\ievie siècle jusqu'à nos jours

TROISIÈME EDITIOiN

PARIS

LIBRAIRIE DE FIRMIX-DIDOT ET C

IMPRIMEURS DE l'iSSTITUT DE FRANCE, RUE JACOB. 56

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Rej^rodaction ec cradactioQ ré^erv^es

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BI8LI0TH£CA

^Ofîaviensis^

Typographie Firmin-Didot. Mcsnil (Eure)

JEANNE D'ARC

H. WALLON

SECRÉTAIHE perpétuel de l'ACADÉMIK des inscriptions et nEM,ES-I-ETTRES

ÉDITION ILLUSTRÉE

d'après

les dAIontiniciits de l'oArt depuis le quiiiiième siècle jusqu'à nos jours

TROISIÈME ÉDITION

PARIS

LIBRAIRIE DE FIRMIN-DIDOT ET C

IMPRIMEURS DE l'iNSTITUT DE FRANCE, RUE JACOB, 56

.877

Reprodactiou et traduction réservées

Univers^'fas" BiBLIOTH£CA ^ffaviensis

Armoiries il« Su SiiiuteLi; le l'aim l'ie IX,

BREF ADRESSE A LAUTEUR

SA SAINTETÉ LE PAPE PIE IX

Plus p. p. IX

Dik'Cte Fili, Nobilis Vir, Sahitcm et Apostolicain Bcucdiclioiicin.

^iBENTissiMK cxccfiiuiis , DUcclc FUI, Nubilis T7/-, historiam a te concinna- taii2 cck'bcrriiinv illiiis Piiellcv , qiia' ab AureliiV obsidioiic prodigiose soluta Aitrelianensis nomen obtiuuit. Gaudc- miis aiitem, te insignein liane Gallia- riiiii gloriam adeo sediilo inoiuiinen' tonim examine ac solerti collatione illnstravisse , nt nihil desiderandnin reliquen's quod heroidis ingeniwn, mores, opéra, vices respiciat. Nemo certe negaverit, Dieum afflictis Galliœ rébus prospecturiim, eique datiirum legi- timum Regeni, elegisse quod erat infirmum, ut furtiumfrangerct vires et molimina; rudique propterea virgini ex arvis ductcv mirant plane fortitudineni prodigiosamque contulisse notifiant bel-

JEANNE d'arc. 111. il

BREF DE SA SAINTETE LE PAPE PIE IX.

licaniiu siiiuil rcniiii et yoliticarinn. Triste qitidem est in hoc qiioque casu reiioi'ûtiiDi l'idcre ingratianiinifaciniis, qitod historia ecclesias- tica non minus qiiain profana testatur consucvisse seqiii nia.vinia bénéficia. Simiiltas, invidia, partiitni stiidia comparatiira semper eriint eximiis meritis osores ; sed firniitas corum, qui persequu- tioneni patiuntur propter justitiani, et œquitas animi, qua adrersa perferunt sic istns ex toi lit et illos depriniit, ut virtutem oppres- sorum nova lucc perfundat ejusqite insectatores perpétua' de- poveat infamiœ. Gratulamur itaqiie tibi, quod judicium jamdiu de Joanna editiim ab historia confirmai'cris atque illustraveris accuratissinia disquisitione tua nitidaque factoruin expositione; tibique nniinainur, ut honorifica ipsa scntentia jaiu de tuo opère lata niultos ad ejus lectionem alliciat, non soluni ut plenioreni de patriis rébus nolitiam assequantur, sed prœsertini ut ab obedientia, proposito, et œrumnis Joannce discant, utile quideni semper esse et honori/icum parère Deo et optinw mereri de patria; sed a cœlo tautum, non ab hominibus. benefacti mercedem esse expectandam. Excipe , Dilectc Fili , Xobilis Vir, Apostolicam Benedictionem, quam superni favoris auspicem et paternœ Nostrce benevolentiœ gratique animi testem tibi peramanter impertimus . Datum Romœ apud S. Petruni die 25 octobris anno i<Sf5, Pon- tificat us Nostri anno Tricesimo.

TRADUCTION DU BREF

ADRKSSfc: A LAUTi:UR

SA SAINTETÉ LE PAPE PIE IX

A notre cher Fils et noble Personne, H. Wallon, ministre de l'Instruction publique et des Cultes, à Paris.

lE IX, Pape. Cher et noble Fils, salut et bénédiction apostolique.

Nous avons accueilli avec le plus vif plaisir, cher et noble Fils, l'his- toire composée par vous de la jeune lille célèbre qui a mérité le nom de Pucelle d'Orléans, en accomplissant par des prodiges la délivrance de la ville assiégée. Nous nous réjouissons de ce que vous avez mis en lumière cette gloire insigne de la France par un examen si attentif et un rapprochement si habile des monuments, que vous n'avez rien omis de ce qui regarde le génie , les vertus , les œuvres et

BRKK DE SA SAINTETE LE PAPE PIE IX.

les vicissitudes de rhéroïne. Personne ne saurait méconnaître que Dieu, voulant relever la France de ses désastres et lui rendre son Roi légitime, n'ait choisi ce qui était faible pour briser les forces et les efforts des paissants, et qu'il n'ait pour cela donné à une simple lille des champs un courage extraordinaire et une merveilleuse science des choses de la guerre et de la politique.

Il est triste de constater que, même en ces circonstances, on retrouve l'ingratitude, ce crime qui accompagne ordinairement les plus grands bienfaits, ainsi que Tattestent à la fois l'histoire ecclé- siastique et rhistoire profane. L'envie, la haine, les rivalités de partis suscitent toujours des détracteurs aux mérites éminents; mais la fermeté de ceux qui souffrent persécution pour la justice et l'égalité d'àme avec laquelle ils supportent l'adversité les élèvent eux-mêmes et abaissent leurs ennemis, à tel point qu'elles répandent un nouveau lustre sur la vertu des opprimés, et vouent les oppres- seurs à une éternelle infamie.

C'est pourquoi Nous vous félicitons d'avoir su, par vos savantes recherches et un lumineux exposé des faits, confirmer et éclairer le jugement que l'histoire a porté depuis longtemps sur Jeanne d'Arc, et Nous souhaitons que les suffrages honorables que votre livre a déjà obtenus lui attirent un grand nombre de lecteurs, non- seulement pour qu'ils y puisent une connaissance plus parfaite de l'histoire de leur pays, mais surtout pour qu'ils apprennent par l'obéissance, la résolution et les souffrances de .Teanne, qu'il est toujours utile et glorieux de se soumettre à la volonté de Dieu, et de bien servir sa patrie; et, en outre, qu'il faut attendre de Dieu seul, et non des hommes, la récompense du bien accompli.

Recevez, cher et noble Fils, la bénédiction aposti^lique que

BREF DE SA SAINTETE LE PAPE PIE IX.

Nous VOUS accordons du fond de notre cœur, comme présage de la faveur divine et comme gage de Notre bienveillance paternelle et de Notre gratitude.

Donné à Rome près Saint-Pierre, le 25 octobre de Tannée iSyS, de notre pontiticat la trentième.

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Armoiries du pape Calixte III,

qui ordonna le procès de réhabilitation Je Jeanne,

le I I juin 1455.

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LETTRE AlŒSSÉE AUX EDITEURS.

; simul horlari, ut siciiti p' lin temporum aliarumqii. lonumenta altcrum ex I c/iciis ubiccLstis oculis . ml <. 'lloriam ci cotifirmare nitam u'tem qiia cxcellitis . .7' itqiie alla opéra quœ . / ^ vendœ dicata, demonstrc tiam et arles ea aiispicaïUc Faustum hujiismodi cœpto Saiictissiimis Dominus exilu: lia t tir ; ac intérim superni aitspicem paternœqiie h- siiœ pigniis Apostolicani l > nein vobis peramanter iniy '

Qiiar diiin vobis ultra ,( pro meo miinere mintio. pcc 1/ f^ratulationis mece ac ,v':i officia exhibeo, omnia y<b: et saliitaria adprecor ex

Perillustris Domine.

Addictissimus /.' Franciscus Mi

Saiicliss. Dom. noslr. a lira Riiiiuv, I- /L'bniarii 187'j.

Perilltistri Domino Firmin- 'dol

alio- rliiim a- be- ndcm i pcr iendo nifo. cicii- irere. idem omi- ivoris cntia' 'icliii-

'cnter i.sque

lionis unda

ejusque socii Editoribus Parisie

dont vous Lui avez fait récemment l'offrande. Elle m'a chargé en même temps, puisque déjù, par les monu- ments artistiques d'autres époques , vous avez fait ressortir à tous les yeux un des bienfaits de l'Église, de vous exhorter à faire tous vos efforts pour lui assurer la même gloire au moyen de l'art dans lequel vous excellez, en mettant au jour beaucoup d'autres œuvres qui , consacrées à la défense de la religion, prouvent que la science et les arts ont fleuri sous ses auspices. Sa Sainteté présage un heureux succès d'une telle entreprise ; et, en atten- dant, comme augure de la céleste fa- veur et comme gage de Sa paternelle bienveillance , Elle vous accorde très- affectueusement Sa bénédiction Apos- tolique.

En vous transmettant spontané- ment et volontiers cet avis, suivant le devoir de ma charge , et en vous adres- sant mes félicitations personnelles avec l'assurance de mon estime , je souhaite de cœurque tout vous succède d'une manière agréable et salutaire.

J'ai l'honneur d'être.

Très- illustre Monsieur,

Votre tout dévoué serviteur,

Francesco Mercurklli,

Secr" du T.-S.-P., pour les Brefs aux Princes. Rome, 17 février 1876.

Au très-illustre Monsieur Firmin-DiJot et à ses associés. Editeurs à Paris.

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LETTRE ADRESSEE AUX EDITEURS

AU NOM DE SA SAINTETE PIE IX

PAR MONSEIGNEUR MERCURELLI, SECRETAIRE DES BREFS AUX PRINCES.

Pcrilliistris Domine.

Vestronim U-poninifcinia.jiim iibi- que vulgata, novo exornari splcndore visa est postqiiam periliam opcram- quc convcrlistis ad voluminum cdi- tioiiem, quœ et religioncm ac pieta- tem promovent et historiœ simul, scientiœ ac artibiis sitffraganliir, caritmqiic altricem demonstrant F.c- clcsiam. Ejusmodi certe ccnscnda suut vita Jesu Cliristi, acta sanctœ Cœciliœ, et liistoria insignis virginis Joannœ ab Arco, ciii nobilis victoria de Anglis relata celebcrrimiim Piicl- Aurelianensis cognomem adjecit. Hisce libris non pantin delectatus fuit SiViclissimus Doiniiius Nostei- Pius IX, tiim ob intrinsecam eorum indolem. tum ctiam quia egregias il- las considerans imagines c sculptura, pictura, cœlatura variarum œtatum petit as, quibus ornantur pagina' et facta illustrantur, ineluctabile vidit e singulis emergere argumeutum illis objiciendum, qui infensam ca- lumniantw artibus et scientiœ catho- licam religionem. Gratulari igitur suo nomine me vobisjussit, gralum- qiie teslari animiim ob historiam clarissimœ Puellœ ei niiper oblatam;

Très-illustre Monsieur,

La réputation de vos presses, déjà partout répandue, a paru resplendir d'un nouvel éclat, du jour vos soins et votre habileté professionnelle se sont tournés vers la publication d'ouvrages qui en même temps qu'ils contri- buent à l'avancement de la religion et de la piété, plaident la cause de l'his- toire, de la science et des arts, et dé- montrent que leur éducation s'est faite dans le giron de l'Eglise. C'est à cette classe assurément, qu'appar- tiennent la Vie de Jésus-Christ, les Actes de sainte Cécile, et l'Histoire de cette vierge insigne, Jeanne d'Arc, à qui sa noble victoire sur les Anglais avl u l'immortel surnom de Pucelle d'Orléans. De tels ouvrages n'ont pas médiocrement charmé Notre Très- Saint Seigneur Pie IX, non-seulement en raison de leur mérite intrinsèque, mais aussi parce qu'en examinant toutes ces belles illustrations, em- pruntées à la sculpture, à la peinture, à la gravure des différents âges , qui ornent les pages et mettent en relief les faits racontés, 11 y a vu un argu- ment inéluctable ù l'encontre des calomnies qui présentent la religion catholique comme hostile aux arts et à la science. Sa Sainteté m'a donc or- donné de vous féliciter en Son nom, et de vous témoigner sa gratitude pour l'Histoire de la très-glorieuse Pucelle,

LETTRE ADRESSEE AUX EDITEURS.

(.7C siDUil lutrtari, lit siciiti pcr alio- mm temporum aliariimquc artiinn monumenta altcriun ex Ecclesiiv bc- neficiis obiecistis oculis , sic eamdcm gloriam ci confirmarc nitamini per artem qua cxccllitis, alla cdcndo atqne a lia opcra qiuv. relii;ioiii fo- vcndœ dicala, dciuoiistrciil scicii- tiam et artes ea auspicante Jlorere. Faustiim hitjiismodi cœpto idem Sanctissimiis Dominus exitiim omi- nattir ; ac intérim superni favoris auspicem paternœque benevolcntiœ suce pignus Apostolicam Benedictio- nem vobis peramanter impertit.

Qiuv diiin rubis iiltro ac libenter pro meo minière luintio, peculiarisque gratulationis meœ ac œstimationis officia exhibée, omnia vobis secuiida et salutaria adprecor ex animo.

Perillustris Domine,

Addictissimus famu lus Franciscus Merccrelli ,

Sanctiss. Dum. noslr. a Brevibiis J-i Principes. Roiitcv, \- fcbruarii 1876.

Perillustri Domino Firmin-Didot

ejiisque sociis

EJitoribus Pai'isiensibus.

dont vous Lui avez fait récemment roffrande. Elle m'a chargé en même temps, puisque déjà, par les monu- ments artistiques d'autres époques , vous avez t'ait ressortira tous les veux un des bienfaits de l'Eglise, de vous exhorter à faire tous vos efforts pour lui assurer la même gloire au moyen de l'art dans lequel vous excellez, en mettant au jour beaucoup d'autres i_euvres qui , consacrées à la défense de la religion, prouvent que la science et les arts ont fleuri sous ses auspices. Sa Sainteté présage un heureux succès d'une telle entreprise; et, en atten- dant, comme augure de la céleste fa- veur et comme gage de Sa paternelle bienveillance . Elle vous accorde très- affectueusement Sa bénédiction Apos- tolique.

En vous transmettant spontané- ment et volontiers cet avis, suivant le devoir de ma charge , et en vous adres- sant mes félicitations personnelles avec l'assurance de mon estime , je souhaite de cœur que tout vous succède d'une manière agréable et salutaire.

J'ai l'honneur d'être,

Très- illustre Monsieur,

Votre tout dévoué serviteur,

Francesco Mercurelli,

Secr" du T.-S.-P., pour les Brefs aux Princes. Rome, 17 fcvrier 1S76.

Au très-illustre Monsieur Firmin-Didot et à ses associés. Editeurs à Paris.

duo m;iim=crit latin du XV sitclc. Bibliulhc.iue de iL .ijiibroise Finuin-Didul

PRÉFACE

'i L est un épisode émouvant dans nos anna- les , c'est assurément la vie de Jeanne d'Arc. La vie de Jeanne d'Arc est comme une légende au milieu de F histoire ; c'est un miracle placé au seuil des temps mo- dernes comme un défi à ceux qui veulent nier le merveilleux. Jamais matière ne parut plus digne de la haute poésie : elle réunit en soi les deu.x conditions de V épopée, sujet national , action surnatu- relle. Mais Jamais sujet ne tenta plus malheureusement les poètes. La poésie vit de Jictions , et la figure de Jeanne ne comporte aucune parure étrangère. Sa grandeur se su [fit à elle-même; elle est plus belle dans sa simplicité. A ce titre rien ne devait attirer davantage, et mieux récompenser le ■{èle des historiens. Un fait SI plein d'éclat, à une époque déjà féconde en chroniques et en écrits de toute sorte, a agi sur tous les esprits et laissé sa trace dans tous les écri- vains du temps; et les deux j>i-o:ès qui ont poursuivi tour à tour par tant

PREFACE.

d' interrogatoires et d'enquêtes la condamnation de Jeanne dWrc et sa réhabilitation, ont recueilli une masse de témoignages qui, sans cette cause toute providentielle , eussent été j.\'rdus pour l'iiistoire. Or, il j- a un double écueil à éviter parmi tant de richesses : c'est tout à la fois de trop confondre et de trop distinguer.

Le plus souvent, on a trop confondu. L'histoire a paru si merveilleuse en elle-même, qu'on n'a pas vu grand inconvénient adjoindre la légende. Tout se mêle alors sa)is que rien laisse voir ce qui est de l'une ou de l'autre. Il send^le que l'exposition ?i'r perde rien ; mais eu proposant du même ton au lecteur les choses qui dérivent des traditions les moins auto- risées et celles qui s'appuient des témoig)iages les plus forts, on l'am'ene nécessairement, même dans les livres les plus éloignés de l'esprit de sjs- téme, à les recevoir ou à les rejeter de la même sorte. Et pourtant, quand on les jugerait au fond de même nature, encore serait-il bon d'en signaler et d'en discuter l'origine, afin que chacun pfit voir ce qu'il en doit pretidre ou laisser. D'autres fois, au contraire, on établit plus de distinctio)i qu'il )ie faut. Les deu.x procès ont un caractère et un esprit bien opposés; mais on ne peut pas dire qu'ils )ious fassent de Jeaniie d'Arc deu.x portraits différents. Le second procès, autant qu'il l'a pu faire, a puisé , s'il est permis de le dire, aux sources du premier. Il en a appelé, non pas les témoins, mais les acteurs, les hommes les plus intéressés à le défendre : Jean Beaup'ere, le second de Pierre Cauchon ; Thomas de Courcelles, qui mit le procès-verbal en latin; les greffiers, l'huissier, et presque tous les assesseurs encore l'ivants ; et quand bien même les autres dépositions recueillies pourraient être regardées comme produites au nom de l'accu- sée, elles ne feraient encore que rendre au premier pj-ocès un élément qu'on ne peut , sans injustice, retrancher de la cause. Leur appréciation ne ressemblera pas à celle des juges ; mais apprécieront-ils moins justement? Et Jeanne, dans leurs témoignages , sera-t-elle autre qu'on ne la voit quand elle se montre elle-même dans son procès ? Sont-ce les dépositions de Dunois, de Louis de Contes et du duc d'Alenson qui ont subi cette « tournure de commande » et « fourni les traits de cette froide image y des histoires posté}-ieures? Oit trouve-t-on Jeanne plus vire, plus pleine de vigueur et d'oitrain, soit que, ai'riva)it devant Orléans, et s'en voj-ant

PREFACE.

scparéc par la Loire, elle interpelle rudement Danois sur le détour que la timidité des chefs a fait prendre, en la trompant, au c<ini'oi qu'elle amène ; soit que, se réveillant à la nourelle de l'attaque de Saint-Loup, elle gourmande son page : .< Ah ! sanglant garçon, vous ne me disie:{pas que le sang de L^rance ffit répandu! « soit qu'à Jargeau elle e)itraine aux murailles, criant au duc d'Alençon qui veut attendre : « Ah! gentil duc, as-tu peur? « Est-elle moins ferme et moins prompte à la réplique dans le téjuoignage de Seguin, un des examinateurs de L^oitiers , que dans le procés-rerhal des juges de Rouen?...

On n'a donc pas le droit de dire que les deux p)-ocès, à les prend)-e, je ne dis pas dans les articles de l'accusation ou dans ceux de la défense , mais dans les interrogatoires du premier et dans les enquêtes du second {et c'est qu'il faut les voir), offrent de Jeanne d'Arc deux portraits différents. Si diros qu'ils soient par leurs coJicl usions, loin de se contre- dire à cet égard, ils se complètent et ils servent à titre égal à représenter la Pucelle dans toute sa vérité. Nous réunirons leurs matériaux , non pas aveuglément sans doute, mais en disant nous puisons, et sans oublie)- que, si l'un a été suscité par les amis de Jeanne, l'autre {on parait trop ne point s'en souvenir) est l'œuvre de ses ennemis; et, d'autre part, nous chercherons à distinguer ce qui est de la légende et ce qui est de l'histoire, non pour supprimer la première, mais pour l'admettre à so)i vrai titre, sans farder la seconde des fausses couleurs qu'elle en pourrait recevoir.

Cette nouvelle édition contient les éléments suivants, qui ne se trou- vaient point dans les éditions précédentes :

1. ÉCLAIRCISSEMENTS.

I" .leanne dans la Littérature, dans la Poésie, dans le Drame;

2" Jeanne dans l'Art (Iconographie de la Pucelle. La Musique et Jeanne) ;

Le Costume militaire à l'époque de Jeanne;

La Géographie de la France durant la mission de Jeanne (avec une Carte de la France

féodale, en i43o) ; La Famille de Jeanne d'Arc.

PREFACE.

II. ll.l.rSTR.ATION.

a. Représentation exacte de tous les lieux illusti'e's par le pas- sage de la Pucelle , de tout le théâtre de sa mission , de tout ce qui a conservé quelque trace de sa vie et de sa mort.

h. Fac-similé de ses principales Lettres.

c. Ornementation (bordures, lettrines et culs-de-lampe) em- pruntée uniquement à des manuscrits du xv* siècle.

Reproduction des plus belles œuvres d'art qui ont été consa- crées à la Pucelle depuis le xv" siècle jusqu'à nos jours.

1" Illiistrcition historique.

2" Illiistralioii artistique. !

Table par ordre alphabétique des matières ; 2" Table des gravures.

// so-ûi/ sitpcyjhi de rcpctcr ce qui a été dit, dans Li préface de la première édition , du soin donné à rUltistration et des mérites qui la reco7nmandent. Le public en a apprécié la vérité par le succès qu'il a fait à l'ouvrage. Dans la nouvelle édition, on l'a enrichie de quelques pv'èces, entre autres : le Départ de Jeanne d'Arc de ]'aucouleurs (d'après un bas-relief en bois, sculpture du xv'^ siècle, communiqué par M. Desno3'ers, membre de l'Institut' ; Jeanne d'Arc apj-ès la journée de Compi'egne (tableau de M. J. Patrois, au musée d'Orléans, 1864); Jeanne d'Arc (buste en bronze de M. A. Le Véel, 1N75); Poton de Xaintrailles (médaillon en bronze du xvi^ siècle, communiqué par M. Fillon).

INTRODUCTION

JEANNE DABC. 111.

Ornement tiré des' Clinmirjvrs ile Monstreht, j

INTRODUCTION

La Guerre de cent ans. Charles VU et Henri \'I.

Le Siese d'Orle'ans.

LA GlERRE DE CENT ANS.

/JAMAIS la France ne fut plus en péril qu'au moment parut Jeanne d'Arc.

L'Angleterre, jadis conquise par les Normands français, prenait à son tour possession de la France : c'étaient les re- présailles de la conquête , et le terme semblait aboutir la longue rivalité qu'elle avait provoquée.

La seconde phase de ce grand débat, la Guerre de cent ans, que Jeanne fut appelée à terminer, se partage en deux grandes périodes les succès et les revers alternent pour l'Angleterre et pour la France. Dans la première, la France, vaincue par Edouard III sous Philippe de Valois et sous Jean, se relève avec Charles V pendant la vieillesse d'Edouard et la minorité de Richard II , son petit-fils. Dans la seconde, après un intervalle se produit, d'une part, l'usurpation des Lancastres (Henri IV), de l'autre, la rivalité des Armagnacs et des Bour- guignons, la France, vaincue sous Charles VI par Henri V, se relèvera

INTRODUCTION.

sous Charles VII contre Henri ^'I. Mais de quel abîme elle se relève et par quelle grâce inespérée! Pour le faire entendre, signalons au moins les faits saillants de cette lamentable histoire.

Les Français éprouvent d'abord les plus grands désastres. Sous Phi- lippe VI, la bataille de Crécy (1346), et la prise de Calais ,1347', qui don- nait à l'Angleterre une porte toujours ouverte en France; sous le roi Jean, la bataille de Poitiers (i356), qui livra au vainqueur non pas une ville.

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morts WmiùXuTe <li,s Chroniques Je \ormanJie ms du w* s ^ la bibliolh dt M Ambroise Firmin Didot. Par cette victoire, Guillaume, vassal du roi de France comme duc de Normandie, monte sur le trône d'.\ngleterre et devient en état de faire la loi à son suzerain.

mais le roi, c'est-à-dire comme un gage du royaume; et le traité de Bré- tigny (i36o), déplorable traité commandé par les circonstances, mais qui ne sauvait la couronne qu'au prix de la moitié de la F'rance laissée en toute souveraineté au roi d'Angleterre.

Le dauphin qui dut signer ce traité, devenu roi de France sous le nom de Charles V, sut en réparer les conséquences, et, mettant à profit les fautes du gouvernement anglais, il lui reprit plusieurs de nos provinces.

Mais ce retour de fortune fut cruellement compensé sous le règne suivant.

INTRODUCTION.

Les deux pays, après Kdouard III et Charles A', avaient subi des vicissi- tudes analo2;ucs : de part et d'autre, une minorité, des tiraillements, causés par les vues ambitieuses des oncles du roi, et des excès qui provoquèrent également des mouvements populaires : Wat Tyler en Angleterre, et en France les Maillotins. Seulement en Angleterre, le roi, devenu majeur, prit

Fig. 2. Pendant U démence de Chai les VI, Louis d Or L ii | ,, u\Lrr i j lume avec Jean sans

Peur, duc de Bourgogne, est assassine par les ordres de ce deiniei (1407). Miniatuie des Chroniques de Monstrelet, Pans, Verard, vers 1490, exemplaire sur peau de vélin, biblioth. de M. Ambr. Firmin-Didot.

en main le pouvoir; et quand Tautorité qu'il exerçait eut dégénéré en tyrannie, une révolution porta au trône une branche intéressée à relever son usurpation par des victoires. En France, à la minorité du roi succéda bientôt sa folie, c'est-à-dire le gouvernement des proches sans responsabilité, des rivalités de pouvoir sans frein; et, pour conséquence, une guerre civile qui préparera tous les malheurs de la guerre étrangère.

INTRODUCTION.

La rc\"olution qui ren\ersa Richard II au profit de Henri I\' ne rompit point immédiatement la paix que Richard avait conclue avec la France. Henri IV n'en eut pas le loisir : il avait à réprimer à Tintérieur les mouve- ments e.xcités au nom du prince qu'il avait mis à mort, ou des réformes qu'il n'avait pas accomplies; mais, au prix de cette lutte, son fils Henri V se trouva libre de tirer parti des troubles de la France. La France était plongée tout à la fois et dans le schisme et dans l'anarchie : le schisme fomenté par elle depuis que la papauté s'était soustraite à la captivité

Fig. 3. Bataille d'Azincourt (25 octobre I4i5), les Français sont défaits par les Anglais. Miniature des Vigiles du roi Charles VU, ms. fr., n" io54, daté de 1484, à la biblioth. nationale. Henri V d'An- gleterre, voyant la France divisée par les factions, avait résolu d'en faire la conquête.

d'Avignon ; l'anarchie née de la rivalité des ducs d'Orléans et de Bour- gogne. Le duc de Bourgogne, Jean sans Peur, après avoir tué le duc d'Orléans et triomphé insolemment de son assassinat, se trouvait n'avoir vaincu que pour devenir à Paris l'homme des Bouchers; et il y tombait avec eux, laissant la place au parti de son rival devenu, par une alliance avec les hommes du Midi, le parti des Armagnacs. Entre les deux partis, les Anglais avaient le choix des alliances, et Henri IV avait soutenu tour à tour le duc de Bourgogne et le jeune duc d'Orléans. Henri V, mis comme son père en demeure de choisir, prit pour ennemi celui qui était au pou- voir; c'était se rouvrir la voie des conquêtes, et donner à cette guerre d'am-

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bition les dehors d'une guerre sainte, en attaquant les derniers fauteurs de la papauté schismatique.

Fig. 4. —Assassinat du duc de Bourgogne, Jean sans Peur, sur le pont de Montereau (1419), en rcpre'saillcs du meurtre de Louis d'Orléans. Miniature des Chroniques de Monstrelet, ms. du xV s., A la bibliothèque de l'Arsenal, à Paris.

La prise d'Harfleur, un autre Calais, un Calais aux bouches de la Seine, ouvrant la P>ance à l'Angleterre, fermant la mer à Rouen, à Paris; la journée d'Azincourt (1415), répétition sanglante des journées de Crécy et

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de Poitiers, tels furent les débuts de la guerre:, et la suite y répondit. Henri V, à son retour de Londres, il est allé mettre en sûreté des pri- sonniers (parmi eux les ducs d'Orléans et de Bourbon), trouve les villes presque sans défense (141 7) : les garnisons en ont été rappelées pour la lutte des Armagnacs contre les Bourguignons. Caen, Bayeux, etc., sont réduits à capituler; la Bretagne, l'Anjou, sollicitent du vainqueur des traités de neutralité, tels qu'il en a déjà avec la Flandre. Ainsi couvert sur ses flancs, il peut avancer en toute liberté, divisant son armée pour accomplir, au milieu de la terreur universelle, plus de sièges en même temps (1418). La chute des Armagnacs, la rentrée du duc de Bourgogne à Paris, n'ar- rêtent pas ses progrès en Normandie. Rouen succombe (i 3 janvier 1419) : c'est au duc de Bourgogne, à son tour, d'en répondre à la France.

La prise de Rouen avait excité la plus vive émotion. Un cri s'élève de partout, qui commande la fin des luttes civiles. Les partis font trêve. Le duc de Bourgogne, ayant le roi, aurait été jusqu'à la paix, et le dauphin, qui était avec les Armagnacs, n'y répugnait pas : il n'avait point de grief personnel contre le duc; et il avait tout intérêt, comme héritier du trône, à s'assurer de son concours. Mais la paix ne se pouvait pas faire entre eux sans sup- primer toute l'importance des Armagnacs. Ce furent ces perfides conseillers qui préparèrent et accomplirent, au nom du dauphin, le guet-apens du pont de Montereau [10 septembre 1419).

Le meurtre du duc de Bourgogne, à Montereau, avait vengé le meurtre du duc d'Orléans; mais cette vengeance était un assassinat, et ce nouveau crime, loin de rien réparer, devait mettre plus bas encore et le dauphin et la France. Les Parisiens se déclarèrent contre les meurtriers; Philippe le Bon, fils de Jean sans Peur, ne pouvait pas faire défaut à son parti. Il vint, résolu de venger son père, mais par les Anglais, et, par conséquent, aux dépens de la France. Une conférence fut tenue à Arras, et l'on y fixa les bases de la paix, qui fut signée à Tro3'es (21 mai 1420).

Le traité de Troyes semblait être la conclusion définitive de la lutte qui avait si longtemps divisé la France et l'Angleterre. Il donnait pour bases à la paix l'union permanente des deux pays sous un même roi, la fusion des deux familles royales en une seule famille. Le dauphin était proscrit, il est vrai; c'était le salaire du crime de Montereau. Mais la fille de Charles VI

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et d'Isabeau épousait Henri V-, elle partageait avec lui le trône d'An- gleterre en attendant le trône de France : et c'était à leurs descendants qu'était assurée la possession des deux royaumes. Tout le monde , hormis

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le dauphin , paraissait gagner à cet arrangement : le duc de Bourgogne était vengé; Charles VI gardait sa couronne-, et la France y trouvait l'assurance de voir se rétablir un jour l'union de ses provinces. Jamais paix avait - elle tant donné aux vaincus? Mais le vainqueur n'y perdait rien que l'odieux même de la victoire. La conquête, se voilant sous les apparences

JEANNE d'arc. III. 2

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d'un bon accord , y trouvait le moyen de s'affermir et de s'accroître. Que si. pour porter la couronne, Henri V devait attendre la mort de Charles VI.

Fig. 6. Isabeau de Bavière, iciihiil- ne i,ii,n ks \1, en grande parure de cuui, avec deux suivantes <^ui portent : l'une, laqueuedeson manteau, Tautre, ceUedtsîrobe. TWédu PortefcuilleGaignières, d'après une peinture du temps. Biblioth. nationale. Par le traité de Troyes (1420), Isabeau dépouillje son propre fils (Charles VII) et donne à Henri V d'Angleterre, c'poux de sa fille, le titre de régent et d'héritier de la couronne de France.

il n'attendait rien pour en exercer tous les droits. II allait gouverner à la place du roi malade, et poursuivre en son nom, avec les ressources des deux couronnes, la s^uerre contre le dauphin et les Armagnacs. Charles VI sem

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blait ne plus vivre que pour couvrir cette intrusion et la faire mieux agréer de la France.

Disons-le donc : jamais la P>ance ne fut si bas dans l'histoire qu'à Tépoque du traité de Troyes. Ce traité, sous prétexte d'unir les deux pays, abandon- nait en une fois à l'Angleterre, non pas seulement ce qu'elle avait conquis.

Fig. 7. Portrait de Henri V d'Angleterre, avec une le'geiide latine qui signifie ; Roi et sfi^'ncur J'Ilihcrnie (Irlande), Roi d'Angleterre et de France. Gravure du xvii"' s., d'après une peinture du temps. Henri V mourant au château de Vincennes, près Paris, institua ses deux frères régents de son fils mineur ; Bcdford pour la France, Glocester pour TAngleterre.

mais ce qui lui restait à conquérir. Le vainqueur voulait bien n'être que l'héritier du vaincu , et promettait de lui laisser, sa vie durant , les orne- ments de la royauté , un état honorable , la résidence en son royaume \ mais au fond il était roi déjà , ayant la capitale et tous les grands instruments du pouvoir. La France, livrée par tous ceux qui la devaient défendre, le

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roi, les princes, les états généraux, le parlement et Funiversité de Paris, n'avait de refuge pour sa nationalité qu'auprès d'un prince déshérité par son père comme assassin, et dans le camp plus que jamais odieux des Armagnacs. C'est que Henri V comptait lui porter bientôt le dernier coup lorsqu'il mourut, et Charles VI après lui (!3 1 août et 22 octobre 1422).

CHARLES VII ET HENRI VI.

La mort de Henri V préservait le dauphin d'une perte immédiate, sans le sauver pourtant.

Henri VI , proclamé roi de France après la mort de Charles VI , était un enfant de dix mois, et une telle minorité convenait peu à de si grandes affaires; mais Henri V avait sagement pourvu à la régence. De ses deux frères , il avait désigné le plus jeune , Glocester, pour l'Angleterre; l'aîné , Bedford, le plus capable, pour la F'rance : et cet arrangement avait été maintenu au fond par le parlement, avec un changement dans les titres, propre à calmer les susceptibilités du peuple anglais. Désigner l'aîné des princes pour la France , n'était-ce pas donner à la France le pas sur l'An- gleterre? Bedford fut régent des deux royaumes; Glocester, son lieutenant en Angleterre , sous le nom nouveau de protecteur ; et, de cette façon , le plus habile pouvait demeurer était le danger.

Le dauphin avait été proclamé aussi à la mort de Charles VI , sous le nom de Charles VII, et il était, lui , en âge de régner. Mais la faiblesse de son caractère, un incroyable abandon à l'empire des autres au moment il devenait le chef de l'État, le rendaient comme étranger aux affaires. Il semblait se complaire dans l'inaction on le retenait : « N'avoit point cher la guerre s'il s'en eût pu passer. » La conduite du royaume restait donc à ceux qui l'entouraient : or c'étaient les plus fougueux des Armagnacs , des hommes qui n'avaient rien à attendre du parti contraire ; qui , pour s'en mieux garder, n'avaient pas craint de se faire une barrière de l'assassinat : Tannegui du Chastel, Narbonne, Louvet, et divers seigneurs, parmi les- quels le sire de Rais, de sinistre mémoire , des étrangers tels que le conné- table de Buchan (Jean Stuart' , Douglas, le Lombard Théode de Valpergue

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(Valperga) , ou bien encore, parmi les meilleurs, quelques hardis chefs de bandes, Poton de Xaintrailles, la Hire : la Hire, qui jurait que Dieu le Père, s'il se faisait gendarme, se ferait pillard, et qui, en raison de cette confraternité, s'écriait « en son gascon , » avant de se jeter dans la bataille : « Dieu , je te prie que tu fasses aujourd'hui, pour la Hire autant que tu voudrois que la Hire fît pour toi, s'il étoit Dieu et que tu fusses la Hire ' ! »

Tout l'avantage demeurait donc au jeune Henri VI. Avec les ressources de FAngleterre et ce qu'elle avait directement conquis en France , il avait ce que lui donnait dans le royaume le parti du duc de Bourgogne, c'est-à-dire presque tout le Nord; il avait Paris et tous les grands corps de l'Etat; et ses alliances venaient encore de s'affermir et de s'étendre. Dans une conférence tenue par Bedfort à Amiens (vers Pâques, 1423), le duc de Bretagne et son frère Richement s'étaient rencontrés avec le duc de Bourgogne; et un double mariage resserra par des liens de famille l'union des pays : le duc de Bourgogne cionnait une de ses sœurs à Bedford et une autre à Richemont. Charles VU retenait dans sa cause les princes du sang royal, moins le duc de Bourgogne, savoir: les maisons d'Orléans, d'Anjou, d'AIençon, de Bourbon, maisons dont les chefs, il est vrai (Orléans et Bourbon), ou en partie les domaines (Anjou et Alençon) , étaient entre les mains des Anglais. Il avait encore généralement sous ses lois les seigneurs et les provinces du centre et du Midi, entre la Guj'enne, domaine des Anglais, d'une part, et d'autre part le prince d'Orange, allié des Bourguignons, et le duc de Savoie qui inclinait du même côté, tout en cherchant à ménager la pai.x avec le roi de France. Il s'était fait, des conseillers de Paris restés fidèles à sa cause, une ombre de parlement à Poitiers. Il avait réuni après son avéne-

1 Gilles de Laval, seigneur de Rais, vers iSgô. Il commença à paraître aux armées vers 1420, et nous le retrouverons avec la Pucelle. Nul ne fut plus indigne de cet honneur. 11 fut le type de Barbe-Bleue; mais la fiction n'approche pas de la réalité, le conte est fort au-dessous de l'histoire. Le connétable dt; Buclian Jean Stuart, deuxième fils du ducd'Albany, vint en France avec 6,000 Écossais en 1420, et fut nommé conné- table de France, le 14 avril n-n. Douglas {Arcliibald). U avait combattu les Anglais à la frontière d'Ecosse avant de venir les retrouver en France. Poton de Xaintrailles. Son prénom le distingue de Jean, seigneur de Xaintrailles, qui figura dans les armées de Charles VII. U fut un des plus brillants jouteurs et un des plus audacieux aventuriers d e ce temps-là. Pris et racheté plusieurs fois (en 142 1 , en 1423), il sut regagner pi us que sa rançonsur l'ennemi. Lii Hire (Etienne de Vignoles), vers iSgo, compagnon inséparable de Poton de Xaintrailles, Gascon comme lui, et comme lui attaché au service du dauphin vers 14 iS, après que Tan ne- guy du Chaste 1, l'enlevant de Paris, l'eut sauvé des Bourguignons. L'étrange prière de la Hire est rapportée dans la chron-qu:; de Jacques le Bouvier, dit Berri, publiée par Godefroi, Vie de Charles VU, p. 45.S.

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ment les états généraux du ro}'aunie à Bourges; il réunit successivement chaque année les états soit de Langue d'Oc, soit de Langue d'Oil ou des deux langues ensemble, à Carcassonne, à Selles en Berri, à Poitiers, à Béziers, à Chinon : c'était pour lui le seul moyen d'avoir un peu d'argent. Mais , avec tout cela, sa détresse était extrême. L'argent allait au superflu et manquait au nécessaire. La guerre, pour laquelle les états votaient des sub- sides, n'en avait que la moindre part. Les troupes du roi, composées en partie d'Ecossais et de Lombards (les Écossais par haine de l'Angleterre-, les Lombards par attachement à la maison de Valentinc de Milan , et tous un peu par amour de la solde ou du pillage), ses troupes, ainsi formées, donnaient à sa cause un air que la présence des Gascons d'Armagnac ne rendait pas beaucoup plus national , et la manière d'agir de cette armée faisait bien plus douter encore qu'elle fût française : car il lui fallait vivre, et elle vivait aux dépens du pays. On avait donc tout à gagner en l'envoyant en pays ennemi, et l'on chercha, par son moyen, à se rouvrir les voies de communication avec les villes demeurées fidèles en Champagne et en Picar- die. Mais des deux côtés on échoua. Vers la Champagne, on se fit battre en voulant reprendre Cravant (sur l'Yonne) aux Bourguignons (i"' juillet 1423); en Picardie, on laissa le Crotoy tomber aux mains des Anglais (3 mars 1424), et tandis que Compiègne et d'autres places du Nord étaient perdues de même, un partisan bourguignon, Perrin Grasset, prenait la Charité et la gardait, donnant déjà à son parti un passage sur la Loire ( pre- miers mois de 1424 .

Heureusement pour la France, Henri VI avait pour oncle non pas seu- lement Bedford , mais aussi Glocester ;, et , tandis que le premier faisait tout pour se mieux assurer l'alliance du duc de Bourgogne, l'autre faillit la rompre. Il décidait Jacqueline de Hainaut à répudier le duc de Brabant , cousin de Philippe le Bon, pour l'épouser lui-même, froissant par le duc de Bourgogne dans ses intérêts les plus chers; car Jacqueline, par son divorce, rompait les liens de famille qui l'attachaient à ce prince, et par son nouveau mariage elle lui enlevait l'espoir d'une succession qui semblait infaillible , tant qu'elle aurait eu pour mari le valétudinaire duc de Brabant. Cette querelle, qui absorbait justement toute l'attention de Bedford, donna quelque relâche au roi de France. Il eut même un instant l'espoir de se

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relever et de porter à ses adversaires un coup décisif. De nouveau.x renforts lui étaient venus d'Ecosse et d'Italie; pour se les mieux attacher, il prodi- guait à leurs chefs des titres et des honneurs qui excitaient Tenvie des sei- gneurs indigènes. Cette mésintelligence fit tourner en défaite la bataille qu'on espérait gagner. Les Français venaient de laisser prendre Ivrj' par Bedford ; par compensation ils s'étaient fait livrer Verneuil, donnant à croire

FIg. n. ~ l,e uuc de l.caioid, retient de France au nom de Henri VI d'Angleterre, mineur. Bedford est entouriS de divers personnages; un auteur, à genou, lui offre son Mvrt le Pèlerinage de l'âme. IWs. fr.de la première moitié du xv' s., n" 602, à la bibliotli. nat.

au gouverneur qu'ils revenaient de battre